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Hommes ! l’ardent soleil dont un âge s’éclaire
Est pour l’âge qui suit un feu crépusculaire ;
Le flambeau de vos fils, qui d’avance vous luit,
Près du jour à venir est encore une nuit !
À chaque heure l’éther brille de plus de flamme,
Et pour s’en pénétrer s’élargit l’œil de l’âme.
Chaque jour ce grand lac qui croit incessamment
Réfléchit plus au loin l’azur du firmament ;
Chaque jour il enferme une nouvelle étoile ;
Le ciel, pour s’y mirer jette son dernier voile,
Jusqu’à l’embrassement immense et triomphal
Où doivent s’absorber la terre et l’idéal.
Alors, dans l’Océan, dont elles sont les gouttes,
Pour n’en sortir jamais les âmes fondront toutes,
Et chaque être vivra dans un être commun,
Et la lumière et l’œil, enfin, ne seront qu’un !

À cette heure douteuse où le jour lutte encore,
Tournez donc vos regards du côté de l’aurore ;
En rappelant à vous l’antique obscurité
N’entravez pas ce char dans l’azur emporté.
Tout autre astre pâlit et s’efface d’avance,
Sitôt que dans l’éther l’ardent cocher s’élance ;
À sa splendeur royale accoutumez vos yeux,
Et laissez sans regret fuir le peuple des cieux !
Marchez vers l’orient en troupes fraternelles ;
Pour un hôte nouveau cueillez des fleurs nouvelles,
Et sous un même toit allez vous réunir
Pour recevoir en paix celui qui doit venir.

1839.