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Écoute ta pensée et cherche l’art nouveau.
Si la blanche Aphrodite a déserté les grèves,
Contemple les beautés qui peuplèrent tes rêves ;
Vers l’Olympe désert ne tourne plus les yeux,
Regarde dans ton cœur, c’est là que sont les dieux !
Cueille les fleurs et l’or pour vêtir ces idoles,
De cent rayons épars tresse leurs auréoles.
Glane, ô puissante abeille, en tout notre univers,
La forme et la couleur, trésors toujours ouverts.

Mêle dans le creuset, pour ton œuvre hardie,
Le réel au possible ; imagine, étudie.
Vois les taureaux bondir ; vois danser sur les prés
Les filles aux doux yeux ; dans les couchants dorés,
Vois saillir des grands monts les arêtes chenues,
Et la pourpre échancrer le noir profil des nues.
Vois l’aube nuancer la mer de mille tons ;
Le lotus découper ses fleurs hors des boutons,
Les nids s’entrelacer sur le chêne difforme :
Vois comme le grand tout se sculpte et se transforme.
Mêle, quand tu pétris, l’argile entre tes mains.
Des gouttes d’eau du ciel à quelques pleurs humains.
Prends un peu de ton âme, un peu de la nature,
Aux baisers du soleil expose la figure ;
Dès que luira son front doré par leur reflet,
Ébauché dans ton cœur, le dieu sera complet !

Éros, le dieu vermeil que la mort décolore,
Expire sur les fleurs qu’il vient de faire éclore.
Pose, ô cœur de seize ans, tes baisers sur son front,
Mais sans larme : à leur dieu les roses survivront.
Va ! les tendres soucis, les langueurs, les ivresses,