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Quand vos doigts toucheront les germes de la vie,
Que du ventre au tombeau votre œil l’aura suivie,
Que le monde en débris vous aura laissé voir
Les intimes ressorts qui le faisaient mouvoir,
Quand ton œuvre d’orgueil enfin sera complète,
Que nous restera-t-il, ô science ? un squelette !

Nous avions une mère et nous buvions son lait,
Une mère au front pur et dont l’œil nous parlait ;
Par de molles chansons pleines de rêverie,
Elle nous endormait sur sa robe fleurie ;
Des corbeilles de fruits étaient sur ses genoux,
Nos frères les oiseaux partageaient avec nous ;
Elle avait le secret d’être féconde et belle
Et de rester la même étant toujours nouvelle.
Mais l’orgueil et l’ennui nous prirent sur ses bras.
— Ô Nature ! pardonne à tes enfants ingrats. —
Nous avons immolé, sans crainte, sans mémoire,
Au tourment de chercher le doux repos de croire ;
Le chant intérieur en nous n’a plus chanté
Et nous ne t’avons plus, sainte naïveté !


LE POÈTE.

Un chœur au fond des bois invite le poète ;
Pan l’attire d’un signe, et l’emporte à sa fête.
Un chant alternatif de rire et de sanglots
Sort de tous les rameaux, jaillit de tous les flots,
Quand l’homme va toucher l’arbuste ou la fontaine,
Il voit fuir en dansant quelque forme lointaine ;
Des fleurs et des gazons que foule un pied pensif,
De la mousse où l’on dort s’échappe un cri lascif ;