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Ah ! tu ne verras plus des vagues de la mer,
Sur la rive sacrée à tes pas interdite,
Sortir, le front riant, l’amoureuse Aphrodite ;
Moins blanche qu’eux l’écume errait sur ses beaux piés
Gardant ses doux attraits de ses deux bras pliés,
Belle comme jamais ne l’eût offerte un rêve,
Nous la vîmes ainsi de nos yeux sur la grève ;
Et nous avons tracé dans un marbre enchanté
Votre empreinte idéale, ô Grâce ! ô Volupté !

Si le dieu, supplié jusqu’en son sanctuaire,
Ne veut pas révéler sa face, ô statuaire,
Si ton cœur ne tressaille aux approches du beau,
Si l’or d’un homme impur a payé ton ciseau,
Si pour donner son être à la pierre choisie,
Sans attendre l’esprit, tu suis la fantaisie ;
Jamais devant ton œuvre exposée au saint lieu,
Les peuples ne diront tremblants : Voilà le dieu !

Si l’Olympe est un mot, si, d’un signe de tête,
Nul dieu n’en fait tomber la vie et la tempête,
Assis sur son grand aigle et la foudre en ses mains,
Et ne joue à son gré des dieux et des humains ;
Si jamais une vierge aux allures hautaines
Du beau sceptre de l’art ne vint douer Athènes ;
Si devant toi jamais ils n’ont paru tous deux,
Aux confins du réel agrandis à tes yeux,
Lui, flamboyant d’éclairs que sa droite balance,
Elle, portant l’égide et le casque et la lance ;
Pourquoi ne peut-on voir ton Zeus et ta Pallas,
Sans tomber à genoux, ô divin Phidias ?