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La sève autour de lui bouillonne ; les sillons
Versent le grain à flots ; les cratères s’allument ;
Un baume acre et puissant jaillit des fleurs qui fument.
Près du dieu les volcans, les torrents et les bois
Donnent tout ce qu’ils ont de feu, d’ombre et de voix ;
Le Satyre hurlant se tord sous les caresses ;
Tous les êtres vivants confondent leurs ivresses,
Et notre terre enfin, dont l’axe est secoué,
Semble être une Ménade, et crier : Évohé !

Dans l’ombre, au bord d’une eau que le croissant argente,
Écartant doucement le cytise et l’acanthe,
Comme un rêve divin Phébé vient se poser
Près du pasteur chéri qu’éveille son baiser.
La déesse a d’abord, du bois plein de mystère,
Chassé Faunes, Sylvains. Sa beauté solitaire,
Vierge pour tous les dieux, garde ses doux secrets
Au seul Endymion, fils rêveur des forêts.

Il n’est arbre enchanté, fleur et source magique,
Que n’eût pas reproduit le ciseau liturgique.
L’urne au corps diaphane offre sur ses contours
Des eaux fuyant la main, des troncs saignant toujours.
Là pleure le rocher et l’écorce palpite,
Quand la hache a blessé la nymphe qui l’habite.
Là, par sa langueur folle à la terre attaché,
Sur son miroir Narcisse est à jamais penché,
Et végète absorbé dans l’amour de lui-même.
Là, pour orner le front du jeune dieu qui l’aime,
Un laurier abondant cache à demi Daphné.
Là, des doigts de Lotis un fruit est déjà né,
Et son corps virginal, dont le pied prend racine,