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Tout ce qui vit, par vous arrive au port caché.
Par vous, le seuil des dieux s’est ouvert à Psyché ;
Et l’amant idéal, cédant à votre audace,
À l’amante mortelle a dévoilé sa face. »

Entre les jeux, souvent, les baisers, le repos,
Mêlant le discours grave et les tendres propos,
Comme sur l’oranger aux branches étoilées
Avec l’or des fruits mûrs les jeunes fleurs mêlées,
À la langue du ciel empruntant ses doux sons,
L’épouse se parait d’abondantes chansons.

Déployant sur son cœur les caresses divines,
Comme de chauds rayons sur les vertes collines,
L’époux lui répondait, et versait à son tour
Le chaste enivrement des paroles d’amour.

Non, jamais au printemps, quand la vierge encor pure,
S’abreuve de l’espoir qu’exhale la nature,
Et des premiers aveux, avec l’air plein d’encens,
Aspire la musique à travers tous ses sens ;
Même à l’heure où, laissant tomber ses bras pudiques
Eperdue, elle cède aux prières magiques ;
Où tous les sons divins, voix des flots, bruit du vent,
Tout semble avoir passé dans la voix de l’amant,
Jamais femme ici-bas n’ouït choses pareilles
À la voix, ô Psyché ! qui charmait tes oreilles !

Leur extase ainsi coule en paisibles discours,
Comme un flot non troublé, mais qui parle en son cours :
Et chaque heure embellit ce fleuve au bord sonore
Des mille fleurs sans nom que le ciel voit éclore.