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De l’argile pétrie, en qui ne vit nul feu ;
Il fallait autre chose à l’amante d’un dieu !

« J’ai bien maudit ma lampe et la clarté nouvelle,
Car en moi la douleur s’introduisit par elle.
L’heure où je l’allumai reçut un nom fatal ;
La science passa pour la mère du mal,
Et de l’orgueil sacré la terre fit un crime.
Mais, pour le ciel conquis, pour notre hymen sublime,
Pour le flot de splendeur qui m’inonde aujourd’hui,
Je bénis cet orgueil, car tout est né de lui !

« Désirs, brûlants désirs de sentir, de connaître,
Par qui Psyché monta vers les sources de l’être ;
Orgueil, ô Volupté ! soif des biens infinis,
Vous, blasphémés jadis, enfin, soyez bénis !
Du triste genre humain le malheur vous accuse ;
Mais le désir demeure, et la souffrance s’use.
Désirs, vous êtes saints ; car saint est votre but ;
Et l’Olympe, après tout, vous doit payer tribut.
À travers tous les maux, l’homme est né pour vous suivre ;
Avant vous j’existais, et vous m’avez fait vivre !

« Dans la première nuit je ramperais encor,
Orgueil et Volupté, sans vos deux ailes d’or.

« Jouissant du bonheur de l’aveugle matière,
L’hymen ne m’eût montré que sa forme grossière ;
J’ignorerais encor ses secrets les plus doux,
Et je ne verrais pas que j’ai dieu pour époux !
Par vous, ô saints désirs, sur la terre inféconde,
Un éclair descendu révèle un meilleur monde.