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Et, même entre tes bras, me lassant du plaisir,
D’un hymen plus parfait mit en moi le désir !

« Si le bonheur des sens eût dompté ton amante,
De l’ivresse du corps et de l’ombre contente ;
Si, pour un temps, mon cœur de ton âme altéré,
Du miel de tes baisers n’avait été sevré,
Psyché ne connaîtrait qu’à travers les ténèbres
Son dieu toujours voilé par des terreurs funèbres ;
Et, d’un étroit jardin faisant son univers,
N’eût jamais vu l’Olympe et ses palais ouverts !
Jamais, en toi plongeant, ce cœur qui te pénètre
Ne se fût à loisir enivré de ton être !

« T’admirer longuement, jouir de nos amours
Sans qu’ils soient divisés par des nuits ou des jours ;
Boire avec toi du ciel l’extase ardente et pure,
Sans que le Temps avare à nos cœurs la mesure :
N’être avec toi qu’un dieu !… je le dois à l’orgueil
Qui, dans l’antique nuit, de mon âme ouvrit l’œil ;
Et, las de tout plaisir que le soleil n’éclaire,
Accepta la douleur au prix de la lumière.

« Peut-être un cœur plus humble et par les sens guidé,
Satisfait de l’époux à demi possédé,
Sans chercher de l’amour l’entière plénitude,
De l’ombre et du sommeil eût gardé l’habitude.
Mais un esprit plus fier habita dans mon sein,
Et tu choisis Psyché pour un plus grand dessein.
Goûter dans l’ignorance une volupté molle,
C’est le lot du troupeau des êtres sans parole,