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Comme il a dissipé la nuit et ses mensonges,
Et fait fuir tous mes maux dans le pays des songes !

« Laisse de tes rayons mon cœur enveloppé !
Des neiges de l’exil pauvre oiseau tout trempé,
Frileux, et tout meurtri par les vents et les grêles,
Ce doux soleil essuie et réchauffe mes ailes.

« Regarde-moi toujours ! C’est à travers tes yeux
Que coule en mon esprit la lumière des cieux ;
C’est par leurs rayons seuls que s’allume la flamme
Pour s’élancer vers toi du foyer de mon âme.

« Reste sous mes regards, comme moi sous les tiens !
Si ta vie est ma vie, et si tu m’appartiens,
Laisse errer sur ton sein mes yeux que tu ranimes ;
Ouvre-moi de ton cœur les asiles intimes.
Posséder tout l’Olympe, être immortel et roi,
Être heureux, ô mon Dieu ! ce n’est que voir en toi !

« Mais moi, pour satisfaire à ta vue éternelle,
Me suis-je assez parée, et rendue assez belle ?
Suis-je pour quelque chose au moins dans ton bonheur ?
T’ai-je payé celui que tu mets dans mon cœur ?
Pour valoir à tes yeux, pour gagner quelques charmes,
Je recommencerais et la vie et mes larmes !

« Bénie entre les nuits, celle où mon jeune instinct
M’arma de ce flambeau voulu par le Destin,
Troubla de ses lueurs nos voluptés obscures,
Et conquit l’avenir en bravant les augures ;