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Aux voluptés sans fin la force se refuse ;
L’attrait meurt du plaisir, la lèvre aux baisers s’use ;
Le corps se meurtrit même aux roses des coussins ;
Les travaux de l’hymen déforment les beaux seins ;
En des yeux alanguis s’éteint la jeune grâce,
Et du front qui charmait l’enchantement s’efface.
Alors, le cœur s’affaisse et s’enfuit l’idéal,
Comme un feu trop subtil pour ce faible métal,
Qui dans l’urne fragile allumé par surprise,
Sous ses flots jaillissants la fait fondre ou la brise.

« Au pays d’où tu viens, tout désir fort et grand,
Toute soif de bonheur, est un mal dévorant ;
Une amour combattue, aussi bien qu’assouvie,
Ravage également les sources de la vie.
Mais dans l’Olympe, oh ! viens t’abreuver de ce feu :
Il consume un mortel, mais il fait vivre un dieu.

« Viens boire à ce torrent sans fin et sans mesure.
S’abstenir fut la loi de l’humaine nature.
Mais, ô déesse ! viens, cœur d’amour altéré,
Viens, et plonge en délire au fond du flot sacré !

« L’astre qui luit là-bas sur la terre profonde
Flétrit s’il fait éclore, et brûle s’il féconde ;
L’ombre seule conserve aux zéphyrs de demain
La fleur dont l’aube ouvrit les lèvres de carmin.
Ainsi les fleurs de l’âme ont besoin du mystère
Pour garder plus d’un jour leur éclat solitaire.

« Mais chez les dieux, l’amour, ce soleil infini,
Père de la beauté, n’a jamais rien terni.