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Vainement fleurs et fruits jetés d’entre les saules,
Atteignaient le rêveur à ses brunes épaules :
Négligeant Amymone et le plaisir certain,
Son cœur suivait Diane et le croissant lointain.

« Que de fois, près du puits posant son urne pleine
Sur le métier oisif laissant dormir la laine,
Seule à travers les bois, et s’écartant des jeux,
D’Argos ou de Corinthe une fille aux doux yeux,
Lassant de ses mépris des amoureux sans nombre,
Rêva d’un jeune dieu qu’elle entrevit dans l’ombre !

« Les enfants de la terre et les enfants du ciel
Se poursuivent ainsi d’un désir mutuel.

« Le nectar coule à flots dans nos coupes divines ;
Quel vin pareil mûrit, ô terre ! en tes collines ?
Et pourtant, attirés de nos palais d’azur,
Nous dirigeons nos chars vers quelque toit obscur !
Hors des jardins féconds du céleste domaine,
Qui pousse ainsi les dieux parmi la foule humaine,
Et, quand le lit d’hymen abonde en voluptés,
Leur fait chercher l’amour des terrestres beautés,
Soumettre à la douleur leur nature impassible
Pour le cœur d’un enfant, quelquefois insensible ;
Subir la faim, le froid, tous les travaux du corps :
Et, sanglant, traverser le noir séjour des morts ?

« Sans doute du Destin, qui régit le ciel même,
Cet attrait invincible est une loi suprême.
Vers le séjour des dieux l’homme aspire d’en bas,
Et vers l’homme en secret les dieux portent leurs pas.