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« Comme on doit limiter par les contours du moule
La lave du métal qui bouillonne et qui coule,
Pour imposer à l’or dans l’argile arrêté
La figure d’un dieu, la vie et la beauté ;
S’il faut que la souffrance enveloppe ainsi l’âme,
Qu’une chair misérable enveloppe sa flamme,
Afin de condenser sa vie et son pouvoir,
Pour qu’elle n’aille pas, sans force et sans vouloir,
Dans la vaste nature et ses métamorphoses,
Comme un fluide éther se perdre au sein des choses ;
Si la douleur enfin est le moule sacré
Pour cette humaine essence avec art préparé,
Arrache ta statue à sa prison d’argile :
Le métal dans sa forme est enfin immobile,
Ô maître ! et près de toi, de ton bras paternel,
Pose ta fille d’or sur un socle éternel !
 
« Reçois, reçois cette âme ; elle te revient toute :
La douleur n’en a pas laissé perdre une goutte.

« Sur un globe imparfait, si c’est pour le finir,
Maître, que tu mis l’âme, elle en doit revenir ;
L’ouvrage est achevé ; l’ouvrière est assise,
Régnant sur la nature à son pouvoir conquise.
Vois sa main égalant les merveilles des dieux ;
Vois les lions domptés, vois les flots furieux,
Les monts portant son joug sur leurs têtes tranquilles,
Et la lyre élevant les murailles des villes.
Vois le doux olivier, parmi les blés épais,
Fleurir sur son passage avec l’antique paix ;
Vois serf et maître unis dans la ronde sacrée,
Ainsi qu’aux jours heureux de Saturne et de Rhée.