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C’est lui par qui l’on aime et par qui l’on féconde,
Éros, le jeune dieu, charme éternel du monde.

Au banquet des heureux pourquoi manquer ainsi ?
Quel rêve aux bords lointains t’emporte, ou quel souci
T’égare chaque jour, muet et solitaire,
Des sommets de l’Olympe aux vallons de la terre ?
Sous nos joyeux lambris, où tu pleures souvent,
On te voit revenir le front pâle et rêvant.
Bien des yeux de déesse en vain t’offrent leur flamme.
De terrestres amours ont-ils blessé ton âme ?
De tes ennuis, Éros, tu peux nous faire aveu ;
Quelle mortelle ainsi peut attrister un dieu ?
Mais c’est la destinée, et, tout dieux que nous sommes,
Notre cœur en subit la loi comme les hommes,

Ces mots erraient mêlés au bruit des urnes d’or ;
Et le nom de l’Amour retentissait encor,
Quand celui dont les dieux invoquaient la présence
Apparut. Sa douleur commandait le silence.
Il entre, et nul regard n’est cherché par le sien,
Traverse avec lenteur le cercle olympien,
Et marche au roi des dieux, dont l’auguste visage
D’un sourire à son fils a jeté le présage.
Le blond adolescent, sur son arc appuyé,
Pâle, et baissant son front de pleurs mal essuyé,
Lève enfin ses yeux bleus auxquels rien ne résiste,
Et mêlant de soupirs une voix douce et triste :

« O père ! n’est-ce pas l’heure d’être clément ?
D’un regard si rapide, hélas ! et si charmant,
Psyché, par tant de pleurs et par tant de constance,
N’a-t-elle pas assez expié l’imprudence,