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Recommence le chant ; car le chant créateur
Est le devoir des dieux, comme il est leur bonheur.

De son siège plus haut, du ciel centre immobile
D’où rayonne à longs traits une clarté subtile,
Le roi voyait s’unir, sous ses yeux adorés,
Les couples bienheureux par lui-même engendrés.
Sur tous ces fronts divers, pleins d’une même grâce,
Père, il a reconnu les beautés de sa face.
Un sourire charmant, dont l’Olympe a relui,
Du dieu passe à ses fils, et de ses fils à lui.
La terre en a sa part ; la moisson printanière
Sent d’un soleil plus chaud abonder la lumière,
Lui cependant, selon qu’ordonne le Destin,
Se complaît avec eux au glorieux festin ;
Et son jeune échanson lui verse à fantaisie
Le nectar qui fait vivre et la douce ambroisie.

Mais une place est vide au cercle tout-puissant :
Les yeux des immortels semblent chercher l’absent,
Et le festin languit, et la joie est moins vive ;
Le roi même, inquiet, demande ce convive ;
Car dès que son sourire à l’Olympe est ôté,
Le front de tous les dieux perd sa sérénité.
En de communs transports, c’est lui qui les rallie ;
Par lui l’urne d’Hébé d’ivresse est mieux remplie ;
Il est l’âme du chant ; sans lui meurent les jeux ;
La douceur des parfums pleut de ses blonds cheveux.
Ouvrant des voluptés les sources recelées,
Il fait épanouir les déesses voilées.
Par lui peuplant la terre, et la mer et le ciel,
La vie émane à flots du père universel ;