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Mais ce qui trouble ainsi ta face révérée,
Ce n’est pas le désir, c’est Notus ou Borée !
Et vous qui sur mon front versez l’ombre et l’odeur,
Grands cèdres, du désir connaissez-vous l’ardeur,
L’ardeur de l’infini dont j’ai l’âme embrasée !
L’été, vous invoquez la pluie et la rosée ;
Mais le tour du soleil ne s’achève jamais
Sans que l’aube, de pleurs inondant vos sommets,
Ne calme en vous les soifs que je garde éternelles.

« Quand, repu de la chair des faons et des gazelles,
A l’ombre des palmiers tu t’étends, ô lion !
Nulle faim dans ton cœur ne met plus l’aiguillon.
Dans la saison d’hymen, quand ta fauve compagne
A tes rugissements descend de la montagne,
Nul désir ne survit à vos amours brûlants ;
Sur le sable mobile, affaissé sous tes flancs,
Tu croises tes grands pieds, et tu t’endors sans rêve.

« Partout où mon regard sur ta face se lève,
Ô nature ! partout des êtres satisfaits !
Moi seule, consumée en d’impuissants souhaits,
Poursuivant de travaux et de douleurs sans nombre
Un hymen impossible, un dieu, peut-être une ombre !
Oh ! que je porte envie à ta sérénité !
Donne-moi l’ignorance, et prends ma royauté.
Car tu ne connais pas, ô nature paisible,
Mon supplice éternel, l’amour de l’invisible ! »


LES CÈDRES.

« Notre ombre qui t’embaume, ô belle reine en pleurs !
Nos fronts chargés d’oiseaux, nos pieds couverts de fleurs,