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POÈMES ÉVANGÉLIQUES.

Vers le sol des aïeux se creusant une route,
Mon crâne du tombeau battra l’épaisse voûte ;
Je voudrai, de mon peuple espérant un remord,
Trouver chez lui l’honneur d’une seconde mort.
Mais puissé-je, en l’horreur dont ce jour nous menace,
Au combat des vivants avoir encor ma place !
Peut-être est-il resté dans le profond des bois
Quelques rameaux noueux des vieux chênes gaulois,
Et qui remplaceraient, s’animant de mon âme,
Le glaive abandonné dans quelque pacte infâme.
Peut-être, ô sol sacré, monts que j’ai tant chéris,
Vos rustiques enfants descendraient à mes cris,
Et votre vieux granit, jusque vers la frontière,
Roulerait sur mes pas en bataillons de pierre !
Ou, si même l’honneur, si tout était perdu,
Mon faible corps, au moins, dans son sang étendu,
Retarderait pour toi l’heure, l’heure fatale !
Du temps qu’il faut pour qu’un dernier soupir s’exhale.

III

Or, le jour où Jésus, dans sa gloire attristé,
Versa du haut du mont ses pleurs sur la cité,
Il entra, précédant sa triomphale escorte ;
Et sentant du Seigneur le zèle qui l’emporte,
Droit au lieu profané d’où naîtra le grand deuil,
Il va, dans son courroux, monte et franchit le seuil.