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PERNETTE.


Tout ce qui peut combattre, et tout ce qui redoute
Plus cruel que la mort un outrage insolent ;
Tout ce qui peut marcher d’un pas ferme ou tremblant.

Il ne demeure au bourg, dans les maisons sans maître,
Que d’infirmes vieillards sous la garde du prêtre,
Quelque être sans famille et qui veut mourir seul,
Quelques petits enfants soignés par un aïeul,
Tous ceux dont la faiblesse innocente et les larmes
À la fureur des forts ôtent parfois ses armes.

Or, nos braves d’hier, protégeant le départ,
Couvrent les fugitifs d’un mobile rempart.
Le fusil sur l’épaule et le front sans cocarde,
Pierre et ses compagnons forment l’arrière-garde.
Pâtres et laboureurs marchent à côté d’eux.
Jacque, enfin, retrouvait les hommes de l’an deux.
Un vouloir obstiné se lit sur leurs visages ;
La gloire n’est pour rien dans ces mâles courages.

Aux périls de ton clan tu n’aurais pas manqué,
Brave docteur ! c’est là que ton poste est marqué.
Comme un vieux général qui de rien ne s’étonne,
Au galop de la Grise il parcourt sa colonne,
Inspecte, ordonne et gronde. À chacun paternel,
Il va, tantôt railleur et tantôt solennel,
Masque de gais propos le souci qui l’accable,
Et soutient les esprits par sa verve indomptable.

Prêt à porter encor conseils, ordres urgents,
Entre ses deux amis, parmi les jeunes gens,
Il rentrait, il marchait à pied, de verte allure ;