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LES FRANCS-CHASSEURS.


Les chevaux écumeux trottent fermant la marche.
Sur les flancs, quelques chars à quatre forts taureaux,
Criant sur leurs essieux, contournent les coteaux.
Jusqu’au fond des forêts, nos bûcherons sauvages
Savent par où guider ces fauves attelages ;
Par les plus durs sentiers, ces bœufs aux cous tendus,
Traînant les longs sapins, sont souvent descendus.
Mais aujourd’hui, plus haut, vers les grottes celtiques,
Montez, tirez nos chars et leurs trésors rustiques,
Allez servir encore, ô nobles animaux !
Dans sa fuite au désert, le peuple des hameaux.

Voici près des manoirs le meurtre et l’incendie !
 
Résolus d’étouffer la révolte hardie,
Furieux, rugissant par la voix du tambour,
D’innombrables soldats marchent contre le bourg.

Hélas ! le fier tocsin n’a réveillé personne !
Aux pas de l’étranger la terre s’abandonne ;
Nul volcan ne jaillit de nos vieux monts gaulois.
Des proscrits, des enfants frappés d’injustes lois,
Seuls de l’antique honneur ont entendu la plainte,
Et sur le sol natal tenté la guerre sainte ;
Attirant par ce coup sur leurs pauvres maisons
L’ennemi rassemblé de tous les horizons.

Alors, il fallut fuir ; vers nos cimes ardues
Par les noirs défilés, par les bois défendues.
On courut, on refit le chemin des aïeux,
Emmenant les troupeaux, les meubles précieux.
Ainsi qu’aux anciens jours, la race émigrait toute ;