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PERNETTE.


On sourit : la gaîté du rayonnant vieillard
S’insinuait au cœur avec son franc regard :
Et l’on accepta vite, après tant de secousses,
Le repos de l’esprit sur ces images douces.

Ainsi, dans les douleurs, prompte à se décevoir,
L’âme aspire ardemment une lueur d’espoir,
Comme la fleur trempée un rayon qui l’essuie,
Comme la terre sèche une goutte de pluie,
Après ce long exil, l’un près de l’autre assis,
Ces braves gens voulaient oublier leurs soucis :
Les amis retrouvés avaient tant à se dire ;
On avait tant pleuré, qu’il fallait bien sourire !

À son grave discours, le prêtre aux cheveux blancs
N’ajoutait que des mots tendres et consolants.
Tel, sous un front serein rêvant au sort contraire,
Au milieu de ses fils, heureux de les distraire,
Gardant pour lui tout seul, dans le joyeux manoir,
L’austère ennui du doute et le soin de prévoir,
Propice à tous les jeux, de sa voix douce, un père
Leur montre à l’horizon quelque étoile prospère ;
Tel l’aimable curé, sans donner de conseil,
Prenait sa bonne part de ce jour de soleil,
Mêlant aux longs espoirs quelque sage pensée,
Et louant tour à tour Pierre et la fiancée.
 
Mais, tout en le gardant sur ce sentier fleuri,
Le bon pasteur tremblait pour son troupeau chéri.
À ses yeux prévoyants l’horizon restait sombre ;
Proche ou lointain, l’orage était là-bas, dans l’ombre,
Et malgré lui, hanté de lugubres tableaux,