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PERNETTE.


Tu peux en esquisser à peine un léger trait,
Car l’âme d’une mère en garde le secret.

Dans le foyer, fêtant le retour d’un convive,
Jaillissait des vieux ceps une clarté plus vive.
Que de joyeux sarments s’étaient là consumés
Sans tirer un rayon des visages aimés !
Ce matin, la splendeur du brasier qui flamboie
N’égale pas des yeux la lumière et la joie :
Le soleil au vitrail éclate en ce moment ;
Chaque angle du manoir a son rayonnement ;
On lit sur chaque meuble et sur chaque muraille,
Le retour de l’enfant et l’heureuse bataille.

Pas un ami ne manque au toit hospitalier,
Nul anneau n’est rompu du cercle familier ;
On se retrouve enfin ! Ah ? l’épreuve était rude !
Chacun reprend sa place et sa chère habitude.

Jacques, tout fier encor, les regards enflammés,
Suspend son vieux fusil aux clous accoutumés.

Sous son rire gaulois, cachant de grosses larmes,
Le jovial docteur est déjà sous les armes,
Et darde aux jeunes gens, avec un trait moqueur,
Les mots les plus amis et les plus doux au cœur.

Des soins multipliés occupent Madeleine.
Forte à dompter la joie aussi bien que la peine,
Laissant aux fiancés l’ivresse du retour,
Elle a pris pour sa part les travaux de ce jour.
Sous sa main la maison, fêtant le jeune maître,