Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
PERNETTE.


Il disposait les cœurs à des œuvres viriles.

Le foyer des amis l’attendit tout le soir,
Et son retour, hélas ! y trompa leur espoir.
Il rentrait seul !… Pourtant il avait, ô chimère,
Promis l’époux, le fils, à l’amante, à la mère !
Il prédisait à tous la paix, un âge d’or !…
L’homme au sceptre sanglant régnerait-il encor ?
Quel danger imprévu, quelle entrave nouvelle
Retient l’absent chéri loin du seuil qui l’appelle ?
Les questions volaient autour du vieil ami.
Lui, contre leur assaut par avance affermi,
Grave, mais d’un ton fait pour écarter la crainte,
Vanta le jeune chef et leur dit tout sans feinte,
Annonça le combat contre les étrangers.
Ne cachant ni l’honneur du coup ni ses dangers.

Un cœur de mère en vain comprime ses alarmes,
Rien n’est plus clairvoyant que ses yeux sous leurs larmes ;
D’un regard infaillible, en l’acceptant de nous,
Elle juge un espoir qu’elle implore à genoux.
Hier, tous étaient joyeux, la paix était certaine…
Un indicible effroi durait chez Madeleine.
De sa longue douleur, plus légère un moment,
Elle reprit le poids sans nul étonnement,
Et son deuil, sous le coup que le sort lui renvoie,
Resta silencieux comme l’était sa joie ;
Forte et pieuse, au fond de son cœur qui se fend
Elle ne blâma point son téméraire enfant.

Dans l’âme de Pernette un aussi grand courage
S’exaltait dans l’espoir compagnon de son âge.