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PIERRE ET PERNETTE.


Disparus de leurs yeux, sortaient de leurs pensées.
Ils marchaient seul à seul et, durant tout un jour,
Rien n’exista pour eux qu’eux-mêmes et l’amour.
Un tel jour brille au loin, à travers les ans sombres,
Comme un lac pur au sein des forêts pleines d’ombre,
Aux fentes d’un cachot, comme un pan de ciel bleu,
Porte ouverte à l’espoir pour voler jusqu’à Dieu.

Tandis que leur amour, promené sur les cimes,
Aux splendeurs du dehors mêlait ses voix intimes,
L’heure au pied trop rapide et maintes fois trop lent
S’éloignait de midi sur l’horizon brûlant ;
Aux promeneurs lassés faisant, après leur course,
Désirer le repos, l’ombre et l’eau de la source.

Au bord d’un large puits qu’abrite un rocher noir,
Sous les pins et les ifs ils revinrent s’asseoir ;
Et tandis que Pernette un moment s’y repose,
Vers le camp, bien muni de pain, de toute chose,
Il court ; de ses amis l’art joyeux et frugal
Avait du jeune chef préparé le régal.
Bientôt près de la source il vida la corbeille.
Or, durant ce temps-là, Pernette, active abeille,
Butinait sur le sol sans épargner ses pas :
Fraise, airelle et noisette égayaient le repas.
Et le petit panier aux deux anses légères
Qui court si loin, au bras des bonnes ménagères,
En quittant la maison, porté sous le manteau,
N’avait pas oublié conserves et gâteau :
Ce fin gâteau, plié d’une blanche serviette,
Que Pierre aime si fort, que fait si bien Pernette !
Pétillant comme un vin, fraîche comme un glaçon