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PIERRE ET PERNETTE.


Ravivait la candeur de ces deux fraîches âmes ;
Et, dans ce beau désert, loin de tout œil humain,
Les guidait l’un par l’autre et leur donnait la main.
Ils allaient, ignorant quels radieux complices
Mêlaient au doux revoir ces intimes délices,
Goûtant, à leur insu, la haute volupté
De se parler d’amour devant l’immensité.
Et Pernette disait :

« Sommes-nous sur la terre ?

Est-ce toi que je vois, toi que j’écoute, ô Pierre ?
Je t’aime en ce désert d’un amour tout nouveau ;
Jamais je ne t’ai vu si puissant et si beau ;
Jamais je n’ai senti, comme sur ces bruyères,
Mon cœur tout débordant d’espoir et de prières ;
Jamais, jusqu’à ce jour, Dieu dans notre amitié
Ne m’a si bien paru s’être mis de moitié.
Par moments, je me crois à l’église : il me semble
Que nous y sommes seuls, agenouillés ensemble ;
Que les cierges, pourtant, l’illuminent encor ;
Que l’encens fume au pied du tabernacle d’or ;
Que le prêtre est absent, et, sous la voûte antique,
Que d’invisibles voix achèvent le cantique. »

Pierre lui répondait :

« Nous sommes devant Dieu

Enchaînés l’un à l’autre, à jamais, en tout lieu !
Il ordonne à nos cœurs, bénis de sa rosée,
L’éternelle union par les lois refusée.
Ici-bas, ni là-haut, quel que soit l’avenir,
Rien n’aura séparé ce qu’il voulait unir.
Nous sommes mariés comme le sont les anges ;