C’est Pernette !… Elle ouvrait la chambre hospitalière
Où l’asile est offert à la mère de Pierre.
Bientôt, sur le plancher et dans chaque recoin,
Meubles, paquets étant déposés avec soin,
Tout fut mis en sa place et l’ordre vint à naître,
L’ordre élégant qui veut l’œil et la main du maître.
Pernette s’empressait, active à reployer
Habits et linge au fond des bahuts de noyer.
La veuve, alerte encore, aidait la jeune fille.
« Nous sommes, dit l’enfant, une seule famille ;
Mère, reposez-vous ! C’est moi, dès aujourd’hui,
Moi qui vous servirai, comme si c’était lui.
Malgré leur loi méchante, et qui vous a chassée,
Suis-je pas votre fille, étant sa fiancée ?
Je sais quel fut, chez vous, l’ordre qui vous plaisait,
Par quel art chaque meuble à sa place luisait ;
Tout sera fait selon vos avis, votre usage,
Et je tiendrai de vous la règle du ménage.
— Agissons, la douleur nous en fait un besoin,
Dit la mère, et pleurons toutes deux sans témoin. »
Et, marchant de concert, le travail et les larmes
Redoublaient d’heure en heure et se prêtaient des charmes,
Car les champs gardent l’homme en sa pleine vigueur,
Ses bras n’y tremblent pas des secousses du cœur ;
Nul œuvre n’y languit, rien ne s’y perd en rêve ;
La passion subsiste et le labour s’achève.
Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/43
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
LES RÉFRACTAIRES.