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LE LIVRE D’UN PÈRE.

La récolte de vos pensées
Dans la ruche où je vous attends.

Voici, pour moi, l’heure inféconde
Où l’homme, atteint d’un sombre ennui,
Ferme ses yeux aux fleurs du monde,
Et ne regarde plus qu’en lui.

Cette immense nature en fête,
Ces bois et ces prés embaumés,
Ces monts dont j’atteignis le faîte,
Ces déserts que j’ai tant aimés,

Ces splendeurs saintes que j’admire,
Bientôt, se voilant d’un brouillard,
Pour moi n’auront plus un sourire,
Pour moi n’auront plus un regard ;

Mais aux voluptés dont me sèvre
Mon hiver pâle et soucieux,
Je goûte encor par votre lèvre,
Je vois ces beautés par vos yeux.

C’est à vos doux rêves intimes,
Le long de ces bois toujours verts,
C’est à votre essor vers les cimes,
Que je veux demander mes vers.

Volez donc ! le ciel est en flammes
Sur ces hauteurs que nous voyons ;
Remplissez vos vaillantes âmes
De parfums, d’accords, de rayons.