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LE LIVRE D’UN PÈRE.

Chers enfants, si vous n’étiez là,
Les tourments que la nuit m’impose
Briseraient des cœurs mieux armés…
Mais je vous vois, mes bien-aimés,
Calmes, souriants, le front rose ;
Et votre sommeil me repose.

Dormez, dormez !


Lorsque, effaré, fou d’insomnie,
J’entre ainsi, morne, à petits pas,
Vous, durant ma lâche agonie,
N’écoutez, ne regardez pas !
Je faisais montre de courage,
J’ai servi les droits opprimés…
Mais aujourd’hui, mes bien-aimés,
Pour me croire encore un vrai sage,
Il ne faut pas voir mon visage…

Dormez, dormez !


Quand je crains que Dieu m’abandonne,
Lorsque j’ai hâte de mourir,
Et qu’il n’est près de moi personne
Qui me parle et m’aide à souffrir,
C’est vous qui prenez ma défense
Et, malgré moi, me ranimez.
Votre aspect, ô mes bien-aimés,
Le calme heureux de votre enfance
Sont ma force et mon innocence…

Dormez, dormez !


Tandis qu’en vous, blanc comme neige,
Flotte un essaim de visions,