Page:Laprade - Œuvres poétiques, Pernette, Lemerre.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
224
LE LIVRE D’UN PÈRE.


Les rois de ces petits royaumes,
Où sont-ils, mes oiseaux joyeux ?
Je crois voir de sombres fantômes
Dans les coins où brillaient leurs yeux.

Adieu le bruit, les jeux… les trêves
Où mes maux étaient adoucis ;
Me voilà seul avec mes rêves…
Je veux dire avec mes soucis.

Il faut, hélas ! que je vous voie,
Pour vivre un peu, mes chers petits !
Vous êtes ma force et ma joie,
Enfants ! et vous voilà partis.

Mais vous allez dans la montagne
Remplir de fleurs votre panier,
Et mon esprit vous accompagne,
Si mon corps reste prisonnier.

Laissez-moi les trottoirs moroses,
Courez, joyeux, au fond des bois ;
Goûtez au miel des grandes choses
Où je m’abreuvais autrefois.

Je reste avec mes lourdes chaînes
Que Dieu n’a pas voulu briser ;
Allez de ma part sous les chênes
Rendre à la Muse son baiser.

Allez ! c’est votre tour de vivre
Et de fréquenter les hauts lieux,