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REMORDS.

Je me sens au cœur un remords,
Et je le confesse à voix haute.

Je n’ai pas fait tout mon devoir
Envers ces âmes généreuses :
J’aurais pu, dans l’humble manoir,
Les rendre ici-bas plus heureuses ;

Si ma bouche eût dit seulement
La moitié des tendres pensées
Qui, du fond de mon cœur aimant,
Leur étaient tout bas adressées ;

S’ils avaient vu, dans leurs douleurs,
Quand je composais mon visage,
Jaillir quelques-uns de ces pleurs
Dont j’arrose ici leur image ;

Si toujours, sans leur rien celer,
Sans retenir une caresse,
Près d’eux j’avais su mieux parler
Le langage de ma tendresse.

Mais, hélas ! je gardais mon cœur
Muet en leur douce présence,
Et je gâtais notre bonheur
En les aimant trop en silence.

Faites mieux, mes petits chéris,
Soyez meilleurs que moi, de grâce !
Ouvrez-moi vos jeunes esprits,
Dites-moi tout ce qui s’y passe.