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LE LIVRE D’UN PÈRE.


Là, nous vivions tous en commun,
Beaucoup de sœurs, beaucoup de frères ;
Le soir, il n’en manquait pas un,
Tantes, petits-cousins, grand’mères ;

Tous les amis, jusqu’aux derniers,
Mes joueurs de barre et de quille,
Vieilles bonnes, vieux jardiniers…
Tous, jusqu’aux chiens de la famille.

Petits et grands, jeunes et vieux,
Avaient santé, gaité parfaites ;
Et l’on s’aimait à qui mieux mieux
Dans ce manoir toujours en fêtes.

D’épais buissons, à travers champs,
Formaient sa lointaine ceinture ;
Les ennuyeux et les méchants
N’en pouvaient franchir la clôture.

Toutes les saisons à la fois
Se mêlaient dans ce parc étrange ;
On y faisait, à chaque mois,
Les foins, la moisson, la vendange.

Toujours des fruits, toujours des fleurs
Au temps de la neige et des bises,
Des fruits de toutes les couleurs,
Des raisins avec des cerises.

Donc, un jardin au fond d’un bois,
Voilà, dans ma longue innocence,