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DÉDICACE.

Bien dire ne vaut pas bien agir et bien vivre ;
C′est par le cœur qu’un homme ennoblit sa maison.

En vous offrant ces vers je n’ai rien fait encore ;
Une seule action vous eût contentés mieux ;
Et ce n’est pas le don de la rime sonore
Que je voudrais transmettre à vos petits-neveux.

O mon père, ô ma mère, ô mes aïeules saintes,
Voici toute ma joie et tout notre avenir,
Ces enfants que j’amène, objets de tant de craintes,
Ces enfants à genoux que vous allez bénir !

Ils vivront, à leur tour, en des temps pleins d’orages ;
Je ne sais quel vent noir s’élève à l’horizon.
Obtenez à ces fils vos paisibles courages,
Et, mieux que le génie, une droite raison.

Qu’ils vivent satisfaits du toit le plus modeste,
Sachant se dominer pour dominer le sort,
Fiers d’un travail obscur, si la liberté reste,
Et prenant l’honneur seul pour but de chaque effort.

Que leurs ambitions s’exercent sur eux-mêmes,
Dans l’amour du devoir et dans l’horreur du mal ;
Soulevant leurs désirs vers les beautés suprêmes,
Qu’un guide intérieur leur montre l’idéal.

Qu’ils évitent ainsi toutes les servitudes ;
Un joug nouveau se forme et s’étend de partout ;
Après les rois, voici les viles multitudes…
Humbles devant Dieu seul, qu’ils se tiennent debout !