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PERNETTE.


L’esprit religieux que la nature exhale
Et les saines leçons de la terre natale.
Note pour tes enfants quelqu’un de nos vieux airs,
Exprime le parfum des fleurs de nos déserts ;
Dis ces âmes cachant, au fond de nos retraites,
Tant de vigueur paisible et de beautés secrètes.
Arrache de l’oubli quelque héros obscur
Qui puisse être un exemple et qui soit resté pur ;
Montre-le simple et fort sous sa libre bannière…
Sur ta plus noble page écris le nom de Pierre. »

Elle avait dit ce mot de son plus ferme accent,
Et son âme partit en me le prononçant,

Jamais aucune mort, dans toute la contrée,
Ne retentit plus vite et ne fut tant pleurée.
Adieu l’exemple offert aux fidèles amours
Et la tradition vivante des vieux jours !
Il me semblait, à voir l’angoisse universelle,
Que l’âme du pays s’éteignait avec elle.

Des bourgs les plus lointains, et de chaque maison,
Une foule accourut malgré l’âpre saison.
Tout ce peuple savait, aussi bien que moi-même,
Le lieu marqué par elle à son repos suprême.
Partis devant le jour, afin que tout fût prêt,
Là-haut, des laboureurs, au bord de la forêt,
À grands efforts creusant la terre glaciale,
Ouvraient sous les sapins la fosse nuptiale.

Le clocher tant aimé sonnait le dernier glas.
Nous montions ; sous nos pieds craquait le dur verglas,