Je leur offre ce chant où leur âme résonne,
Ces fruits de leur vieil arbre et de mon renouveau ;
Et, tressant de mes vers une agreste couronne,
J’enlace au tronc les fleurs que porta le rameau.
J’ai pris d’eux le souci des vertus que je rêve ;
Je sais qu’ils furent bons, s’ils ne furent diserts.
Rien n’éclôt dans les fleurs sans venir de la sève ;
Leur vie a contenu tout l’esprit de mes vers.
Je leur dois le plus pur de ce feu qui m’enflamme,
L’ardeur de la justice et le mépris de l’or.
De tous ces hauts désirs je n’aurais rien dans l’âme,
S’ils n’avaient longuement amassé ce trésor.
Si mon livre a parfois, reflétant leur image,
Suscité dans un cœur des pensers généreux,
Et parlé du devoir dans un noble langage…
Mon livre est un témoin qui dépose pour eux.
Autant que de la mienne il sort de votre veine,
Recevez-le du fils, de l’arrière-neveu,
Aïeux obscurs ! Lutteurs qui fûtes à la peine…
Et soyez à l’honneur, si j’en acquiers un peu.
Grâce à mes vers, peut-être, une courte mémoire
Va tirer ici-bas notre nom de sa nuit ;
Mais s’il s’inscrit, là-haut, dans la solide gloire,
C’est grâce à vos vertus qui s’exerçaient sans bruit.
Je ne suis point de ceux que l’orgueil d’un vain livre
Pousse à l’impiété contre leur vieux blason ;
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DÉDICACE.