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PERNETTE.


Et, puissante à guérir où l’or ne pouvait rien,
C’est à l’âme surtout qu’elle faisait du bien.
Elle était le travail chez la pauvreté fière,
Au lit des moribonds elle était la prière ;
Et, chez tous, apportant le rayon de soleil,
Elle était le sourire, elle était le conseil.
C’est ainsi qu’en forçant leurs bienfaits à survivre,
Elle honorait ses morts avant que de les suivre ;
Ainsi l’immense amour qu’elle avait eu pour eux
Se partageait dans l’ombre à tous les malheureux.
Pierre adoré là-haut, son Pierre en toute chose,
Était le but de l’œuvre et la voie et la cause !
Pierre, vivant toujours dans cette âme sa sœur,
Agissait par ses mains, aimait avec son cœur.
C’est pour lui dans le ciel, pour que sa gloire y brille,
Qu’on lui forme, ici-bas, cette immense famille,
Qu’on recrute le faible et le déshérité
Pour donner à ce mort une postérité.

Elle aimait entre tous, de son amour de mère,
Ceux dont l’âme innocente attend une lumière.
Les petits révoltés, les rôdeurs de buissons
Préféraient à leurs jeux ses charmantes leçons.
Ces marmots hérissés ayant horreur du livre,
Quand elle ouvrait le sien, quittaient tout pour la suivre.
Dans nos rudes hameaux, faits pour la liberté,
Où jamais magister ne s’était implanté,
Son foyer souriant fut la première école ;
Elle y prenait l’enfance au miel de sa parole,
Et, par elle, aujourd’hui, du maître à l’ouvrier,
Tous, en ces champs heureux, savent lire et prier.