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PERNETTE.

 
On entendit encor, dans un soupir glacé,
Le doux nom de Jésus faiblement prononcé.
L’esprit, déjà, touchait au ciel par sa foi vive ;
Mais la lutte éclatait dans la chair convulsive.

Alors l’homme de Dieu, le paisible et le fort,
Sentit qu’il était temps de terrasser la mort ;
Ayant reçu le droit de lui parler en maître.
Sur sa face éclatait la majesté du prêtre ;
Et regardant cet homme, un éclair dans les yeux,
Il lui montra l’azur d’un geste impérieux
Et d’une ferme voix :

« Partez, âme chrétienne,

Lui dit-il : qu’ici-bas plus rien ne vous retienne,
De cette chair de mort soyez libre à l’instant !
Elancez-vous ! montez ! votre Dieu vous attend. »

Le soir encor, du haut des cimes empourprées,
De sa rougeur suprême éclairait nos contrées,
Plus qu’à demi caché par les monts, le soleil
S’abaissa tout à coup sous son rideau vermeil,
Et l’ombre, à larges pas, des forêts aux villages,
Glissa rapidement d’étages en étages.

Tour à tour s’éteignaient, en de noirs horizons,
Les clochers flamboyants et les blanches maisons.
Bientôt, submergeant tout de l’une à l’autre chaîne,
La pâleur de la nuit noya l’immense plaine.

Rasant l’herbe et les fleurs, un vent léger et frais,
Comme exhalé du sol, souffla vers les forêts ;