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LES FRANCS-CHASSEURS.


Chez nous et chez nous seuls, terribles aux bourreaux,
Les vierges aux doux yeux ont des cœurs de héros,
Et nul peuple, si loin que sa bannière flotte,
France ! n’eut comme toi sa Jeanne et sa Charlotte.

Or, des fauves Teutons toujours plus destructeur,
Pied à pied, le combat montait vers la hauteur.
Les femmes, avant nous, dans les forêts connues,
Parmi les hauts sapins sont déjà parvenues.
Déjà, nos francs-chasseurs aux créneaux de ces murs
S’embusquent à loisir et tirent à coups sûrs ;
C’est ici la victoire et la suprême halte !
De nos soldats d’un jour le jeune orgueil s’exalte.
Contre un large sapin, Madeleine, à genoux,
Dit avec plus d’espoir son : Jésus, sauvez-nous !
Et, toute à son ardeur amoureuse et guerrière,
Pernette a pris sa place au combat, près de Pierre.
Que d’ivresse à le voir, — mais aussi que d’effroi, —
Calme et fier, parlant haut, obéi comme un roi !
Il semble que lui seul, de son bras noir de poudre,
De ces mille fusils secoue au loin la foudre ;
Mais, aussi, que le plomb, sifflant dans le fourré,
Ne s’adresse d’en bas qu’à ce cœur adoré.

Tout va bien ! tout va bien ! Le feu du lourd barbare,
Loin de se rapprocher, languit, déjà plus rare ;
Les quartiers de granit, le plomb de nos vaillants
Plcuvent à plus grands flots contre les assaillants ;
Malgré la voix des chefs leur bataillon s’arrête.
Enfin le clairon sonne, ordonnant la retraite…
Et, pour mieux l’assurer, mille coups à la fois
Roulent dans les échos, tonnant contre nos bois.