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PERNETTE.

 
Mères, filles et sœurs, bien loin des combattants ;
L’étranger, patient dans sa longue escalade,
Avec nos francs-tireurs croisait sa fusillade…
Les balles qui sifflaient, qui pleuvaient sur les monts,
Rien n’avait pu hâter celles que nous aimons.
Leur lenteur s’obstinait ; leurs yeux, de place en place,
Suivaient le jeune chef de leur rayon tenace ;
Comme si ce regard, couvant l’être chéri,
Pouvait doubler sa force ou lui donner abri.
Se réglant sur son pas, dans sa fuite intrépide,
Elles marchaient d’un pas plus lent ou plus rapide,
Faisant, ainsi que lui, des retours hasardeux,
Et, quand il s’arrêtait, s’arrêtant toutes deux.

Chacune, alors, montrait son âme tout entière :
L’une, en ses pâles mains jointes pour la prière,
Serrait son chapelet avec plus de ferveur,
Et, mère, elle invoquait la mère du Sauveur.
Mais Pernette ! on eût dit que, dans sa main crispée,
La vierge allait brandir ou la hache ou l’épée.
Debout et le front haut, elle avait dans les yeux
Cet éclair qu’adoraient nos farouches aïeux,
Quand, du fond des forêts, les fauves druidesses
Soufflaient le feu sacré des guerres vengeresses.
Elle ne quittait pas nos vaillants du regard ;
De la bataille ardente, elle aspirait sa part ;
Épiant, de là-haut, si quelque main frappée
Livrerait à la sienne une arme inoccupée ;
Prête, au fond de son cœur, à ces sombres exploits
Qui vous sont familiers, ô filles des Gaulois !
Car, sous vos fronts charmants, Dieu mit de fortes âmes
Et fit ses plus grands coups par la main de nos femmes.