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LES FRANCS-CHASSEURS.


Pleuvait de chaque roche et de chaque fourré,
Et l’étranger laissait des morts sur chaque étage.
À chaque pas, du nombre il perdait l’avantage.
Il montait, mais d’un pied qui va se ralentir,
Chaque arbre recelait un coup prêt à partir ;
Et déjà, de très haut, dans leur savante fuite,
Nos chasseurs dominaient cette vaine poursuite.
Ils touchaient aux grands bois dont les troncs vénérés,
Comme des combattants étroitement serrés,
Autour des longs rochers, donjons à tête grise,
Font une palissade où tout assaut se brise.
De ces forts boucliers habile à se couvrir,
La troupe s’arrêta pour vaincre ou pour mourir.

Encor bien loin, là-bas, dans les ronces grimpantes,
L’étranger gravissait péniblement les pentes,
Harassé, décimé. Nos braves jeunes gens
L’écrasaient de leurs feux rapides et plongeants ;
Et, déjà, les rochers roulés, par intervalles,
Suffisaient, épargnant le trésor de nos balles.

Pierre en vieux capitaine avait conduit les siens.
Le front de la forêt, bordé d’arbres anciens,
Lançait des coups certains comme une citadelle.
Ces créneaux abritaient chacun sa sentinelle.

Mais cherchons dans l’horreur du combat meurtrier
Celles que Dieu destine à pleurer, à prier.
Je voudrais en lieu sûr, pour y reprendre haleine,
Conduire, pas à pas, Pernette et Madeleine.

L’obscurité des pins cachait depuis longtemps