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LES FRANCS-CHASSEURS.


Roulement des canons, des fourgons, des tambours.
Les clairons, tout à coup, de leurs voix plus perçantes,
Jettent sur ces rumeurs des notes menaçantes.
Plus proche et plus strident et par l’écho redit,
Éclatant hors du bourg, le son vole et grandit ;
La troupe a dépassé la dernière muraille,
Et bientôt se déploie en ligne de bataille.
Des mille étroits sentiers bordés par les enclos,
Pressés, les noirs soldats sortaient comme des flots,
Jaloux de châtier par une attaque prompte
Tous ces vils paysans et de venger leur honte.

Alors tout se leva, là-haut ; le jeune chef,
Comme un vieux capitaine, ordonna d’un ton bref,
Et chacun, observant un terrible silence,
Se hâta vers son poste indiqué par avance.
Les femmes, à grands pas, dans les hauts genêts verts,
Priant et sanglotant par les sentiers couverts,
Joignirent les sapins, dernières citadelles.

Madeleine et sa bru marchaient loin derrière elles.

De nos braves amis, on n’en voyait plus un.
Les francs-chasseurs guettaient le moment opportun.
À genoux, accroupi, chacun reste immobile ;
Buissons et chemins creux cachent leur longue file ;
Distants de quelques pas, chaque homme à son créneau.
D’un rempart invisible ils bordaient le coteau ;
À peine respirant et prêts aux moindres signes…

Les Barbares montaient lentement par les vignes.