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PERNETTE.


À ces mots du vieillard on ne répondit rien ;
Mais tous les cœurs battaient à l’unisson du sien,
Et d’un plus ferme pas le bataillon rustique,
Comme pour applaudir, frappa le sol antique.
Au fond de chaque mot sans pénétrer toujours.
Ces braves gens sentaient l’âme de ce discours :
À ces fières hauteurs ils s’élevaient sans peine.
Car c’est ainsi qu’on parle à la nature humaine :
Qu’on s’adresse aux plus grands, aux plus humbles esprits,
Plus le langage est noble et mieux il est compris.

Le docteur, soulagé de sa sainte colère,
Reprit ses doux besoins de gaîté familière,
Et, comme il le faisait à tout bout de chemin,
Sur l’épaule de Pierre il frappa de la main.

Sans perdre un seul accent du discours qui s’achève,
Le jeune chef semblait absorbé dans un rêve,
Tant ses yeux pleins d’éclairs rayonnaient vaguement
De sa troupe aux forêts, des prés au firmament…

Quelle est donc ta vertu d’embellir toutes choses,
O jeunesse, ô printemps qui mets partout des roses ?
Les plus sombres déserts, vus à tes blonds soleils,
S’ornent d’épis dorés et de raisins vermeils.
Ta faiblesse en remontre aux âmes les plus fortes ;
Les dévouements sacrés sont les fruits que tu portes ;
Tu fournis tes combats sans haine et sans orgueil.
Un espoir t’illumine à travers chaque deuil ;
La mort même t’invite, et, sans rien de farouche,
T’emporte en souriant, une fleur à la bouche.