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C’était peu de dompter les taureaux écumants,
Il a mis sous le joug même les éléments ;
Comme un dieu, désormais, il crée à son image,
Et des êtres nouveaux viennent lui rendre hommage ;
Un peuple industrieux façonné de sa main
Des plus rudes labeurs l’affranchira demain.
La terre, cultivée avec art et prudence,
De moissons et de fruits se couvre en abondance ;
Dans les vastes cités qui n’ont plus de remparts
La joyeuse concorde en fait de justes parts,
Comme entre ses enfants la mère de famille ;

Car d’un sourire égal la loi pour chacun brille,
Et l’amour, plus divin, fait dans un but commun,
Que chacun vit pour tous, comme tous pour chacun.
Le temps a renversé les jalouses frontières
Qui séparaient les cours des nations altières ;
Les ennemis lointains, réunis et charmés,
En se voyant de près bientôt se sont aimés,
Et foulant tous aux pieds leurs idoles contraires,
Les fils du même dieu se sont connus pour frères.
Délivré de la glèbe et des plus durs besoins
Aux champs intérieurs l’homme apporte ses soins ;
Le plus humble a sa part du pain de la science,
Un soleil plus serein luit dans sa conscience,
Son esprit s’initie à de nobles plaisirs,
Et bénit l’art divin qui lui fit ces loisirs.