Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée


XV

O Poète, ô pasteur des humaines pensées,
Qui leur montres du doigt les haltes avancées ;
Qui, suivant de l’amour le flambeau toujours sûr,
Sais, loin du sable aride et du marais impur,
A ta flûte entraînant les jeunes rêveries,
Les attirer aux fleurs des divines prairies ;
Toi, dont le pas enseigne au troupeau rallié
Du céleste bercail le chemin oublié ;
Toi, dont la voix s’élève, entre les voix charnelles,
Chaste et docile écho des lyres éternelles ;
Toi, qui portes, dans l’or de ton cœur filial,
Un rayon toujours chaud du soleil idéal ;
Gardien du feu pur, non, tu n’as pas à craindre
Qu’un souffle épais des sens ne vienne à nous l’éteindre ;
Tu le sais mieux que nous : un dieu nous tend la main,
Chaque siècle vers lui pousse le genre humain,

Donc, malgré cette nuit qui l’obscurcit encore,
De l’âge industrieux salue aussi l’aurore ;
Dis-nous l’Antée impur par Hercule étouffé,
Chante le dieu du jour dont l’arc a triomphé,
Vois Python expirant dans sa fange se tordre,
Et des siècles meilleurs naître le nouvel ordre,
Du haut des monts sacrés, dominant nos combats,
Montre-nous cette terre où tu n’entreras pas ;
Fais-nous voir, embrassant l’un et l’autre hémisphère,
Du champ donné par Dieu ce que l’homme a su fai