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De l’homme et du destin la lutte s’égalise ;
Notre science engendre un être et le nourrit ;
Dans son creuset magique, au feu qui les amorce,
Les charbons se changent en force,
La matière devient esprit.

 
X

Quel penseur radieux, à l'aube de ses veilles,
Vit poindre le premier ces fécondes merveilles ;
Quel nom de demi-dieu l’homme reconnaissant
Donnera-t-il au siècle à ces clartés naissant,
Et, pour un Panthéon où peu doivent descendre,
Quel peuple avec orgueil peut réclamer sa cendre !
Italie ! est-ce toi, prêtresse du vrai beau,
Dont le soleil de Grèce alluma le flambeau ;
Sibylle aux longs regards qui des déserts de l'onde
Par les yeux de Colomb a vu surgir un monde ?
Allemagne ! ou bien toi, qui, dans les champs du ciel,
Cueilles la pure idée aux confins du réel,
Et dont le doigt profond creuse avec patience
Les puits mystérieux d’où jaillit la science ?
Ou toi, dont les métiers, prompts comme tes vaisseaux,
Travaillent jour et nuit défendus par les eaux,
Angleterre ? ou bien toi, dont le nom à ma bouche
Semble un souffle du ciel embrasant ce qu’il touche,
Toi, France, dont mes vers en disant tes grandeurs
D’une lave sans fin verseraient les ardeurs ?