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Sur leur cime démesurée
Tu lèves ta tête assurée ;
Des astres la plaine azurée
S’abaisse au niveau de tes yeux ;
Et si, pour te réduire en poudre,
Un dieu, là-haut, cherchait sa foudre,
Tu sais la dérober aux cieux.

Tu sais fabriquer un tonnerre ;
A ton caprice, il frappe ou dort,
Et caché, du fond de ton aire,
Au loin tu promènes la mort ;
Le salpêtre que tu déchaînes
Fait, sur les montagnes prochaines,
Partir le granit et les chênes,
Voler Pélion sur Ossa ;
Au ciel, qui garde le silence,
C’est un nouveau Titan qui lance
Les rochers que l’autre entassa.

Sous terre, dans les lacs de soufre,
Tu plonges ton avide main ;
Les grandes mers n’ont pas un gouffre
Qui puisse barrer ton chemin ;
Au bout d’un horizon sans borne
Où la nuit voile, en un ciel morne,
L’Ours, la Vierge et le Capricorne,
Ton vaisseau sait trouver le port,
Et tu vois ces nouvelles grèves
Vers qui se tournaient tes longs rêves,
Comme l’aimant se tourne au nord.