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Doit couler sous ses mains jusqu’à rompre la digue.
Donnez, donnez toujours de ce sang pur et fort !
La liberté naîtra de quelque illustre mort.

Dans le pays, lombard, près de ces eaux si belles,
Où l’on rêve de paix, de fêtes éternelles,
Où l’âge d’or naîtrait avec la liberté,
Près de ce lac riant par l’amour habité,
D’un sacrifice humain se prépare l’offrande.
Des glorieux vaincus voici la noble bande ;
Calmes et le front haut, tels qu’on aime à les voir
Les stoïques martyrs du droit et du devoir.
Autour d’eux les soldats, stupide multitude,
Marchent à rangs pressés et font la solitude.
Pour contenir les flots d’un grand peuple insoumis,
Un rempart s’est dressé d’escadrons ennemis :
Herman en est le chef ; toujours pensif et triste,
Il semble absent de l’œuvre à laquelle il assiste,
Et son regard, errant ou vaguement fixé,
Sur ceux qui vont mourir s’est à peine abaissé.
Son corps abandonné se balance et se ploie
Aux pas lents du cheval, et son panache ondoie
Sur son cou fléchissant. Le long convoi de mort,
Dirigé vers le lac, s’arrête près du bord
Où s’étend une plaine à la pente adoucie.
Là, sur un fin limon, meurt la vague amincie ;
Et, quelques pas plus loin, sort du milieu des eaux
Une épaisse forêt de grands joncs, de roseaux.

Le groupe des martyrs, soldats au fier visage,
Docile et méprisant s’est rangé sur la plage.
Ils sont jeunes et beaux, hélas, ceux qui mourront ;