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ur.
Tu m’aimes, je le sais ; tes larmes sont loyales ;
Mais tu m’aimes en homme, et j’ai bien des rivales.
L’honneur et la patrie et cette ardeur d’exploits,
Tu les portes plus haut que l’amour... tu le dois !
Mais moi, qui garde aussi la haine héréditaire ;
Moi qui sais que l’amour aujourd’hui doit se taire,
Moi fille d’un soldat martyr de l’étranger,
Moi qui place avant tout l’Italie à venger,
Moi qui t’ai dit : Va, meurs, la liberté t’appelle !
Je ne puis partager ton cœur même avec elle !
Pour ma vie et mon sang dépensés à t’aimer,
Il me faudrait tes jours, ton âme à consumer.
Ne crains rien ; cette ivresse où s’éteindrait ta gloire,
Aux lèvres de Fausta n’espère plus la boire,
Je vivrai loin de toi ; cependant je vivrai,
Ton repos le commande et je te l’ai juré.
Pars donc ! sans redouter qu’un tombeau volontaire
Enchaîne ta pensée avec moi sous la terre.
Tu ne laisses, ici, ni spectre, ni remords ;
Mais un cœur désormais au-dessus de la mort,
Qui vivra de ta vie, et, dans sa foi plus ferme,
Des douleurs, sans les fuir, veut attendre le terme ;
Qui te suit dans la lutte où vous allez rentrer,
Et qui, demeuré pur, a le droit d’espérer. »

Tels furent leurs adieux, ou plutôt leurs paroles,
Celles qu’on peut traduire avec des sons frivoles !
Quels mots reproduiraient l’éloquence des yeux,
Et sauraient de l’amour peindre les vrais adieux ?

Il partit ; ce qu’en lui de vertu mieux trempée,
De vaillance à porter sa haine et son épée,