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Il s’arrête, il y tient son esquif attaché ;
Et lui, sur le sommet, dans les genêts caché,
Mettant dans son regard son âme tout entière,
Du château plus lointain cherche à percer la pierre»
Quelque espoir lui revient ; car, c’est trop le punir ;
Pour un adieu suprême elle doit revenir !
Il attend ; c’est ici la moitié de la route
Jusqu’au toit du pêcheur ; il va la voir, sans doute ;
Ce ciel joyeux le dit ; ces parfums, cet air pur
Pénètrent dans son cœur comme un présage sûr.

Mais aux pieds des remparts une barque... oh c’est elle !
Sur son blanc vêtement le soleil étincelle.
Beau lac, brise si douce et si lente à souffler,
Ah ! portez-la plus vite où son cœur veut aller !
Déjà du. promontoire elle a doublé la ligne ;
Là, parmi les rochers, bassin fait pour un cygne,
S’arrondit une baie au lit profond et pur
Dont les bords verdoyants assombrissent l’azur.
La barque détournée à ce port se dirige.
T’a-t-elle deviné, Marco ? par quel prodige,
De si loin, en ce lieu ! ton cœur bat ; mais pourquoi
Lâcher ainsi la rame encor trop loin de toi,
Au milieu de cette anse ; et, dans la barque étroite,
Tout à coup se lever et rester ainsi droite ?
Elle écoute peut-être, à l’heure du réveil,
Elle invoque le dieu dont elle prend conseil,
Le dieu des profondeurs de cette eau pure et vaste,
Cet invisible amant qui la conserve chaste.
On voit qu’elle interroge un hôte habituel ;
Nul effroi ne la trouble en son muet appel ;
L’azur du flot est clair moins que ses yeux limpides,