Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Voix du silence, 1880.djvu/169

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et, fuyant le péril où sa fierté chancelle,
Elle s’arrache et court vers l’agile nacelle,
Repousse d’un seul coup la grève, et déjà fuit
Dans un sillon rapide où le soleil reluit ;
Debout encore, agite une main convulsive,
Et jette avec un cri son adieu vers la rive.


VIII

Quels assauts de désirs l’un de l’autre ennemis
Dans ton grand cœur naguère au devoir si soumis !
Désormais, indocile à la tâche prescrite,
Contre un sang révolté ton âme en vain s’irrite ;
Tu frémis de sentir, Marco, tes yeux en pleurs,
Ton front rouge ou glacé de soudaines pâleurs,
Tes flancs brûlés de feux dont l’esprit n’est plus maître,
Et que ta sainte haine, hélas, n’y fait pas naître.

Toute la nuit, sans trêve, exaspérant son mal,
Il sentit dans son cœur gronder l’adieu fatal.
 
Le matin, comme un homme égaré dans ses rêves,
Il part, il court sans but, dans les bois, sur les grèves ;
Il cherche avec l’espace à dévorer le temps ;
Mais l’oubli pourrait seul abréger les instants.

Voici l’heure, à la fin, l’heure où la barque aimée
Apparaît, chaque jour, sur l’onde accoutumée ;
Il interroge en vain cet horizon connu,
Le soleil s’est éteint sans que rien soit