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VII

Un rocher qui surplombe, à quelques pas des eaux,
Et penche un front touffu couronné d’arbrisseaux,
Répand la clématite et la vigne sauvage,
En un large rideau traînant jusqu’au rivage.

Des soupirs, des sanglots, sous cet abri charmant,
Aux douces voix du lac répondent par moment ;
Sous l’ombrage entr’ouvert que les zéphyrs balancent,
Des syllabes de feu se croisent et s’élancent ;
L’un à l’autre jetés et se faisant écho,
Volent, dans l’air ému, deux noms : Fausta ! Marco !

Perfides vents d’été ! parfum des fleurs qui brûle,
Où le poison d’amour en poudres d’or circule ,
Lit de mousse enivrant sous l’ombrage attiédi,
Plainte du flot plus tendre à l’heure de midi,
Murmures de la feuille et de l’aile affaissées
Qui réveillant les sens endormez les pensées,
Doux climat, si fatal aux desseins des grands cœurs,
Pourquoi répandez-vous ces divines langueurs ?

Hier encor, cette voix, qui s’éteint dans les larmes,
Vibrait d’un accent fier comme le bruit des armes ;
Tous les deux s’excitant aux plus mâles vertus,
D’un invincible acier se croyaient revêtus ;
Et voilà que tous deux, sous le trait qui les blesse,
Ont trop bien reconnu leur humaine faibles