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e.
Armez-vous de rudesse et bravez le péril,
Demandez vos vertus au plus lointain exil...
Le sort au but fixé tous les deux vous ramène.
Partis de la tendresse, et souvent de la haine,
On se trouve au chemin par où l’on crut se fuir,
Pour aimer quelquefois, mais toujours pour souffrir !


VI

« Tu partiras, Marco, je t’ai donné mon âme,
Mais ta vie est ailleurs qu’aux genoux d’une femme.
Je cède à mon pays ton cœur qui m’appartient
Honte, en ces jours de guerre, à celle qui retient
Sur les coussins oisifs le fer de bonne trempe,
Et souffre qu’à ses pieds le lion dorme ou rampe !
Tu partiras sans moi ; soyons forts, effaçons
De notre fier sentier l’ombre des vils soupçons.
Entre de pures mains une cause est plus belle ;
Fils de la liberté, gardons-nous dignes d’elle.
Pars ! mon cœur te suivra ; rien n’a pu l’enchaîner,
Il reste, en sa prison, libre de se donner.
Mais pars ! Fais au devoir une sublime offrande ;
Du sacrifice obscur notre âme sort plus grande.
L’amour choisit nos cœurs dans ses nobles desseins,
Non pour les rendre heureux, mais pour les rendre saints.
Pars ! Du joug étranger qu’une femme tolère,
Laisse-moi la douleur, gardes-en la colère.
Pars ! Une autre maîtresse, en tes heures d’ennu