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Puis, dans l’ombreux sentier, et chaque jour plus loin,
Il marche avec Fausta sans guide et sans témoin.

Mais, comme s’ils portaient quelque chaîne secrète,
Sur le bord des aveux chacun tremble et s’arrête.
Souvent l’un d’eux hésite en parlant du passé,
Et refoule en son cœur, subitement glacé,
Cette étrange terreur dès l’abord ressentie ;
Ils se taisent ; Fausta sans retour est partie ;
Elle se l'est juré, c’est leur adieu ! Pourtant,
Le lendemain l’amène à Marco, qui l’attend.
 « Si faible encor ! Sa vie est à peine sauvée ;
Fuir ainsi lâchement cette œuvre inachevée.
Non ! C’est moi qui, veillant aux abords du chemin,
Dois remettre à Marco son glaive dans la main. »

Et d’un pas moins timide, enfin, les causeries
Entraînent le blessé jusqu’au bout des prairies ;
Chaque jour l’attirant pour un plus long repos,
Un arbre plus lointain entend plus doux propos.

« Vous sembliez, disait-il, l’ange de la patrie
Posant un bras sauveur sur ma tête flétrie.
Vous m’apportiez la vie et je n’en voulais pas ;
Mais je la garderai pour de meilleurs combats.
Je le sais, la pitié que votre cœur s’impose
N’a vu dans le blessé que notre sainte cause ;
Bien heureux qui tiendrait de la douce amitié
Cette vie et ces soins dus à votre pitié ! »

Et Fausta : « Dans ce temps fait pour des cœurs austères,
Occupés sans faiblir d’héroïques mystères,